Conseil municipal 29 avril 2021

Il y a 500 ans disparaissait Sebastien Brant, génial auteur de « La Nef des fous« . Ce recueil paru en 1494 décrit toutes sortes de dérives humaines, et notamment celles qui sont liées au pouvoir. Dépenses pharaoniques, manipulations des flatteurs, œillères et bouchons d’oreilles face à la détresse, les délibérations de ce jeudi 29 avril ont illustré la pertinence des analyses de l’humaniste qui écrivait il y a 500 ans : « Les fous passent, la folie reste ».

« Les fous passent, la folie reste ».


1 – 47 700 € pour un cabinet non référencé : une décision discutable

Quinze février 2021 : pour la sixième fois depuis mars 2020, le Président de la République a statué sur l’état d’urgence sanitaire et prolongé les pouvoirs octroyés aux maires jusqu’au 1er juin 2021. Marcel Bauer a donc pu, en toute légalité, signer un contrat avec une entreprise sans passer par la Commission d’Appels d’Offres (CAO). Il a même pu se passer de comparer des devis… et des prestations. C’est ainsi qu’il a attribué – pour près de 50 000 € – le sensible contrat d’audit censé résoudre les graves problèmes qui affectent les agents de la Ville de Sélestat depuis plusieurs mois. Sylvia Humbrecht est intervenue au sujet de cette décision :

« Concernant la décision n° 21, je voudrais poser quelques questions

1 – Pour mandater des experts, il y a normalement une procédure d’appel d’offres, ou au moins une comparaison entre 2 devis ; est-ce que vous avez contacté plusieurs cabinets pour faire jouer la concurrence ? Cette question vous a été posée lors du conseil municipal du 25 mars, mais vous n’y avez pas répondu. La décision montre que vous n’avez pris en considération qu’une seule offre, et que vous l’avez acceptée, malgré son coût élevé. « 

2 – Est-ce que vous vous êtes assuré que l’expert mandaté est habilité pour l’analyse des Risques Psycho Sociaux ? Apparemment, il ne figure pas dans la liste des experts agréés. Nous avons fait vérifier cela par des experts reconnus et agréés , et après vérification, ils n’ont pas trouvé le cabinet que vous avez missionné… Si vous nous en aviez parlé avant, on aurait pu vous alerter sur ce point de vigilance.

3 – Si vous aviez associé les représentants du personnel, je pense qu’ils vous auraient également mis en garde sur ce point. Je ne comprends pas pourquoi vous ne les avez pas associés à votre décision. Cela aurait été un gage de transparence et de confiance, et nous pensons que les agents en ont vraiment besoin en ce moment. 

4 – Encore une question sur le choix de l’expert : est-ce qu’il a suffisamment d’expérience ? Il s’agit d’une petite société, créée en 2018, et les informations qu’on a trouvées ne nous ont pas convaincus. Vous avez pris la décision de leur confier cette importante expertise, pour un montant conséquent : 39 750 € HT, soit 47 700 €TTC, pour un seul intervenant. Si on en avait parlé avant, on aurait pu vous fournir une liste de prestataires agréés qui ont de solides références. D’ailleurs, il n’est pas impossible que les représentants du personnel demandent leur propre expertise, et cela coûtera encore de l’argent, mais ils sont dans leur droit. 
Nous aimerions des réponses à toutes ces questions, car une bonne qualité de vie au travail est importante, et un environnement de travail sain est indissociable du bien être des agents, quelle que soit leur catégorie socio-professionnelle. 

Sur le même sujet, Bertrand GAUDIN intervient pour signaler les publications sur internet du consultant choisi par le maire : « Vous engagez les finances de la ville pour un contrat à près de 50 000 € alors que cette société n’a même pas de site internet professionnel !

Le consultant choisi a simplement un profil professionnel sur facebook, comme « coach personnel », et encore, sa dernière publication « pro » date du 1er juillet 2019… ; sur son profil personnel – qui est public –, cette personne affiche des publications sur les tests PCR qui établissent un lien entre les tests et des risques de méningite… Il y relaie également des positions anti-vaccin, ainsi que des publications de la députée Martine Wonner, connue pour ses interventions trompeuses, à l’Assemblée Nationale ou dans le documentaire « Hold Up », associé à la sphère complotiste. On peut donc se demander ce qu’il faut penser du centre de vaccination des Tanzmatten : est-il efficace dans  la lutte de la pandémie, ou au contraire, comme le suggère l’expert recruté par la Ville, est-ce une opération risquée pour la santé de nos concitoyens ? « 



2 – Convention Carte Culture : un oubli inexcusable

La première délibération de ce Conseil porte sur la signature d’une convention de partenariat avec les deux universités d’Alsace (Université de Strasbourg et Université de Haute-Alsace) ; il s’agit de favoriser l’accès des étudiant(e)s à la culture par des tarifs attractifs dans les salles de spectacles, les cinémas et les musées. Sélestat est partenaire pour les Tanzmatten… mais pas pour la Bibliothèque humaniste, ce qui fait réagir Caroline Reys :


« Pourquoi la Bibliothèque Humaniste ne fait-elle pas partie des musées inscrits dans l’offre de la Carte Culture ? C’est une lacune incompréhensible dans la mesure où le public concerné par ce dispositif est précisément l’une des cibles de la BH. On rate une belle occasion de visibilité auprès d’un public recherché. 
Question subsidiaire, pourquoi cette proposition n’a-t-elle pas été soumise au Conseil d’exploitation de la BH ? Il me semble que c’était le lieu pour en débattre de façon argumentée et concernée. 

Enfin , cette délibération me donne une nouvelle occasion de rappeler la triste situation que subit le monde de la culture, et quand je parle du « monde de la culture », je pense aux acteurs de la culture, techniciens et artistes, et tous les satellites de ce système solaire en voie d’extinction, mais aussi à nous, spectateurs en manque de ce que nous jugeons essentiel à notre équilibre. J’ai rencontré la semaine dernière les étudiants du TNS ; pour ces artistes, comme pour tous les jeunes en formation, c’est le même constat, celui d’une génération sacrifiée. En tant qu’élu·e·s, nous pouvons leur manifester notre soutien et cette délibération y contribue. Dommage que cela se fasse sans la mention de la Bibliothèque Humaniste… « 

Artistes en formation à l’école du théâtre National de Strasbourg

3 – Projet Charlemagne : on voit gros.

Alors que des questions techniques ont été traitées lors de plusieurs commissions depuis plus d’un an, Caroline REYS axe son intervention sur le coût du projet : « On discute ce soir d’un budget prévisionnel de 28, 5 millions d’euros, soit le triple de ce qui avait été prévu initialement pour la restructuration de la BH… Comment en est-on arrivé là ? 

Vous revenez à l’étude de 2013 (dont je rappelle qu’elle a coûté 42 000 € à la collectivité). Cette étude a révélé combien la restructuration du complexe Koeberlé était une nécessité au regard des besoins du territoire. Nous ne discutons absolument pas cette nécessité. En 2019, pour concrétiser le projet, vous avez confié le programme de restructuration à un cabinet , « MP Conseils » , or je n’ai pas trouvé trace de ce choix dans les délibérations de la commission d’appel d’offres, ni dans vos décisions. Sur l’intranet, la seule mention de ce cabinet, c’est pour une candidature déposée en 2017 dans le cadre de l’appel à projet pour la rénovation thermique du patrimoine de la Ville ; leur offre a été jugée irrecevable et écartée. Ma première question est triple et porte donc sur le choix du programmiste. Comment ce cabinet a-t-il été retenu ? Quel a été le coût de cette mission ? Et où ce coût apparaît-il dans le budget prévisionnel ? (=> aucune réponse à cette question)

Ma deuxième question porte sur votre choix d’acquérir les deux terrains adjacents à un prix équivalent de 20 000€ l’are, alors que les deux terrains ne sont pas équivalents du point de vue du PLU. L’un des deux est estimé par les domaines à 21000 € ht /are, (classé UB) et l’autre, (classé UE) est estimé à 6 300 €/are. Donc, si on se réfère à l’estimation des domaines, on devrait acquérir l’un des terrains à 103 500 € et l’autre à 409 500 €, soit 513 000 € ht les deux. Or , la délibération nous invite à approuver une acquisition à 828 800 € sans les frais notariés , soit un surcoût de 35 % si on parle en TTC (on passe de 615 600 à 828 800). La délibération ne nous dit pas non plus si les exploitants agricoles ont bénéficié d’une compensation par l’attribution d’un terrain équivalent mis à disposition par la ville. Quoi qu’il en soit, nous désapprouvons cette équivalence de prix d’achat pour deux terrains qui n’ont pas d’équivalence dans le PLU. 

Ma troisième et dernière question porte sur le coût de fonctionnement, utilement rappelé dans la présentation ; si on fait une synthèse, on comprend que le personnel sera réparti sur les trois équipements au fur et à mesure des phases de travaux.  Il apparaît que les dépenses de personnel rattachées au gymnase Koeberlé  seront réduites de moitié alors que la surface ne change pas et que les activités vont vraisemblablement se développer.  Dans le même temps, il apparaît que pour le gymnase de l’INSPE, il est prévu d’accroître la charge des moyens humains, puisqu’on passe de 8 630 € actuellement à une prévision de 16 000 € en 2025. 
Je voudrais donc qu’on nous explique comment les choses sont envisagées pour que d’un côté, on réduise de moitié les charges de personnel au gymnase Koeberlé (132 000 € à 71 000 €), alors que de l’autre côté du boulevard Charlemagne, on doublera l’affectation de moyens humains. 

Sur cette question, Bertrand GAUDIN renchérit :  » Au delà de ce jeu de vases communicants, comment peut-on concevoir qu’il n’y aura pas davantage de besoins humains (estimation : +0,5 ETP) alors que les surfaces à entretenir vont tripler ? »

Caroline REYS termine sur un autre registre :  » Je voudrais ajouter une dernière considération concernant le jury ; j’avais déjà plaidé ici, à plusieurs reprises l’intérêt d’associer un(e) représentant(e)  du quartier Houllion à ce projet. Il me semble qu’on aurait pu offrir une voix consultative à un(e) jeune du quartier, qui fréquente le gymnase et qui représenterait aussi les clubs qui sont concernés par ce programmeEncore une fois, il y va du symbole, mais nous vivons un moment de société où les symboles ont beaucoup de pouvoir. «  (=> Jacques Meyer répond que le jury est très règlementé et qu’il n’a pas été possible d’ajouter une personne…)

4 – Vente de terrains par la ville : le virage à 180°

Programme d’Intérêt Général : Il s’agit d’une convention de soutien aux travaux d’amélioration de l’habitat au centre-ville. Un partenariat relais est convenu pour la période intermédiaire avant que soit déterminée une nouvelle Opération de Programmation pour l’Amélioration de l’Habitat (compétence ComCom) . Caroline REYS s’interroge sur le nombre restreint d’animations prévues (limitées à 4 /an, et ne s’adressant qu’aux immeubles collectifs. Elle a pu observer que le vrai problème se pose pour les ménages très modestes sont propriétaires au centre-ville mais qui n’ont absolument pas les moyens de financer des travaux (un seul dossier avait été déposé – et validé – par PROCIVIS qui avance les fonds à taux zéro. Ce constat est confirmé par Jacques Meyer qui précise que même subventionnés à 85%, ces investissements ne sont pas envisageables pour les propriétaires les plus modestes.

Vente terrains, impasse du Grand Muehlweg (–> Caroline Reys)

La question du prix du foncier revient pour la deuxième fois ce soir. Et pour la deuxième fois, les terrains sont vendus à un prix supérieur à l’estimation des domaines, ce qui pose question. C’est d’autant plus troublant qu’il y a moins d’un mois, vous avez présenté une position radicalement opposée. Je me permets de vous relire l’intervention de notre collègue à ce sujet :

« Il est important que la collectivité donne un signal fort au marché de l’immobilier sur Sélestat. Le fait que nous cédions ce terrain à l’euro symbolique, c’est également un signe fort de notre part d’avoir une certaine volonté de réguler le marché foncier sur Sélestat (…) Le prix de l’immobilier est en train de de s’envoler au niveau de notre région, et de Sélestat, et le fait que nous puissions réguler par ce type d’action  le marché de l’immobilier sur Sélestat,  c’est une politique volontariste que mène actuellement la ville de Sélestat, je tiens à le souligner. » (Stéphane Romy, le 25 mars 2021

Je ne sais pas comment vous pouvez justifier ce retournement à 180 ° , mais une chose est sûre, c’est qu’on voit bien les limites de votre « politique volontariste », qui n’a même pas tenu un mois…

Dans un autre ordre de considération, cette vente va priver le quartier d’un bel espace naturel ; on aurait pu le laisser se développer naturellement, ou en faire un parc, un verger ou un jardin partagé, bref, une zone favorable au lien social et à la lutte contre le réchauffement climatique. On aurait aimé pouvoir au moins en débattre, et comme votre choix ne correspond pas à notre vision de l’urbanisme, nous allons nous abstenir. 

6 – Points divers : 

Le collectif « Demain commence ici » (déjà mentionné sur notre blog) a sollicité le maire de Sélestat à plusieurs reprises pour obtenir un rendez-vous. Ils n’ont jamais eu de réponse, ce que dénonce aussi le groupe de Denis Digel. Nous trouvons ce mépris inadmissible à l’encontre d’administrés en demande d’échanges citoyens. En soutien à cette attente, Caroline REYS relaie en Conseil l’objet de leur démarche :

« Le collectif qui a souhaité vous rencontrer voulait vous parler de la situation de souffrance des riverains de l’entreprise Pack France, route de Riquewihr. De façon plus générale, je relaie leur demande sur 4 points précis : 

  1. Quel est le nombre de PV dressés pour des nuisances sonores à Sélestat ? (–> Laurent Geyller répondra)
  2. Pourquoi la Ville n’investit-elle pas dans des radars antibruit ? Si on veut que la police municipale puisse verbaliser les contrevenants à l’arrêté antibruit, il faut la doter de moyens techniques pour effectuer des mesures ; on investit 300 000 € dans des caméras de vidéosurveillance, et rien dans les radars antibruit. Il s’agit pourtant de graves nuisances, préjudiciables à la santé. (–> Le maire dit que ces constats sont faits par la police « à l’oreille »…)
  3. La demande principale est simple : c’est tout simplement l’application stricte des deux arrêtés anti-bruit que vous avez vous-même fait voter , en novembre 2003 et par la suite, en 2015, contre les nuisances nocturnes. 
  4. Nous demandons la constitution d’un comité de pilotage sur les nuisances sonores à Sélestat, un groupe de travail qui réunirait des élu(e)s mais aussi des citoyens. (–> demande qui semble avoir été acceptée, du moins pour un groupe de travail entre élus… )
Un mur antibruit permettrait un retour au calme et à la santé.

Pour terminer, nous ajoutons ici une remarque faite par Caroline REYS en ouverture de conseil au sujet de la Décision n° 13/21 (décision qui rappelle les gratuités concédées dans le cadre du soutien aux acteurs économiques frappés de fermeture administrative ; ces gratuités sont concédées du 1er janvier au 30 juin pour les occupations de voirie pour les terrasses et pour les dispositifs d’enseigne, par exemple). 
« Dans le cadre d’une politique de soutien aux mobilités alternatives à la voiture individuelle, on aurait pu exempter les entreprises d’autopartage ; c’est un secteur fortement touché par la crise sanitaire, et les exempter de droit de place pour cette année aurait montré votre considération pour ce type d’offre qui fait partie des mesures de transition écologique.  » (coût de l’exonération pour la collectivité : 180€/emplacement pour l’année. )

Author: Caroline REYS

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